Grasse matinée appréciable ce matin, nos voisins italiens pénibles de la veille ont déjà décampé quand on émerge. On essaye de se trouver un camping pour le soir, car les réserves d'eau sont au plus mal, et la cassette des WC chimiques prête à déborder, mais c'est peine perdue, on n'attrape aucun internet mobile digne de ce nom, dans ce bout du monde oublié des dieux de la 4G. Par dépit, on reprend la route direction le camping visité hier soir, on se dit qu'ils accepteront peut-être qu'on utilise leurs services sans passer la nuit, moyennant une petite compensation financière. Arrivés sur les lieux, on est accueillis avec le sourire par une vieille dame, qui nous dit qu'il n'y a aucun souci pour utiliser les services en journée, c'est gratuit ! On repart donc à neuf, direction le village préhistorique de Skara Brae.


C'est tout à fait par hasard que ce village préhistorique a été découvert. Une nuit tragique de l'hiver 1850, une tempête sur cette île aux rivages tourmentés cause plusieurs morts, et arrache l'herbe sur la colline de Skerrabra, juste à côté de la plage. Plusieurs maisons de pierre sans toit sont ainsi mises à nu.


Les fouilles qui s'en suivront vont permettre de comprendre ce qui se trouvait depuis plus de 4500 ans sous la colline : un village semi-enterré de plusieurs maisons de pierres, reliées entre elles par une sorte de galerie d'accès, elle aussi enterrée.


Toutes les maisons sont configurées de la même façon : une unique pièce à vivre, sur laquelle débouche la galerie d'accès. Face à cette entrée, se trouve un édifice de pierre qui aurait eu la même fonction qu'un buffet dans nos maisons d'aujourd'hui : rangement, décoration, exposition d'objets chers aux habitants (bijoux, poteries, outils divers). Au centre de la pièce, un foyer, dont le feu réchauffait les habitants et permettait de cuisiner. Sur les deux murs latéraux, des espaces rectangulaires délimités par des pierres basses (~40 cm de hauteur), tels de gros bacs, servaient à dormir. Ils étaient probablement garnis et tapissés de peaux de bêtes et autres objets rendant ces lits de pierre moins inconfortables. L'ouverture qui donne sur la galerie d'accès est haute d'environ 1 m, et peut être obstruée par des pierres ou des morceaux de bois, et verrouillée depuis l'intérieur, garantissant ainsi l'intimité.


Des tas d'objets ont été retrouvés (pots, outils) qui témoignent d'un savoir-faire impressionnant pour cette époque de l'âge de pierre, avant l'âge du bronze. Le régime alimentaire était varié : viande, poisson, baies, céréales... Ces hommes préhistoriques étaient déjà agriculteurs quand les pyramides d'Égypte n'existaient encore pas.


Le plus incroyable dans tout ça, c'est que ces hommes étaient exactement comme nous. Tout juste 5 cm de moins en moyenne, mais tout le reste, c'est comme nous. Même boîte crânienne, donc même cerveau, même intelligence... Leur organisation sociale, leur langue et leurs croyances restent pourtant un mystère. Les scientifiques croient que des maisons plus anciennes, remontant à environ 3100 avant JC, sont enfouies sous celles déjà découvertes, mais il est probable qu'on n'aille jamais chercher, au risque de détruire ce qui est encore visible aujourd'hui. Une autre question reste sans réponse : que s'est-il passé pour que les habitants désertent le site vers 2500 avant JC ?


Le reste de la journée sera dédié à un peu d'intendance, lessive, courses, trajet retour en ferry (nous retrouvons nos voisins italiens), puis nous reprenons notre tour d'Écosse, cette fois-ci vers l'ouest... On n'est pas fâchés de retrouver un peu de chaleur, ces journées ventées à 11~12°C étaient certes sympathiques, mais parfois on se demandait pourquoi on n'avait pas choisi les Baléares. En tout cas, elles nous ont permis d'utiliser les vêtements chauds et coupe-vents apportés dans nos bagages, si on ne les avait pas utilisés on s'en serait voulu de les avoir amenés.