Il y a des jours qui ne se passent pas du tout comme prévu, et on ne voit rien venir jusqu'à ce qu'on soit dans le pétrin. Ce matin par exemple, réveillé par les mouettes sur notre emplacement de parking, tout va bien. Petit déj, tout est normal. On fait le plein d'essence (2,12 €/L de gasoil, ils n'ont pas le bouclier tarifaire), mais même ça, ça n'entame pas le moral. Le plan est simple : on va jusqu'à Abernethy tout proche, on assiste aux Highland Games, et on a un camping sur place qui nous attend pour la nuit, déjà réservé. Tout va se passer comme suite des roulettes.


On arrive dans le patelin en question : pas de Highland Games... Petite recherche sur internet, heureusement que Pascale a la 4G... Damned ! On s'est trompés, sans trop savoir comment. Il y a bien des Highland Games annoncés au nom du patelin où on est, mais le plan nous amène ailleurs, à 2h de là ! On reprend donc la route, mais du coup tout est chamboulé au niveau du camping du soir, il va falloir improviser. Au bout d'une heure de route, à mi-chemin, on passe près d'un endroit où d'autres Highland Games sont organisés... On se dit que, puisqu'on est là, il est inutile de faire encore une heure de route pour voir ce qu'on avait prévu initialement, on cherche donc le lieu exact de l'événement. On arrive sur un énorme champ organisé aux petits oignons en parking géant, les camping-cars sont bienvenus. On se gare où on nous indique, mais avant d'aller voir les festivités, on appelle littéralement TOUS les campings du coin pour trouver un emplacement où nous pourrons faire la pause idéale : un brin de lessive car on arrive bientôt à court de slips, le rechargement du réservoir d'eau douce, bien entamé par notre premier camping sauvage, et la vidange des eaux usées. La batterie électrique secondaire, celle utilisée par la partie habitation du camping-car, n'est pas vraiment un problème car elle s'est rechargée en roulant. Aucune place disponible dans tous les campings du coin, pas bien étonnant en s'y prenant le jour-même. On va donc avoir une seconde nuit de camping sauvage de suite, pas prévue, et on n'avait pas fait trop attention aux réserves la première nuit. Je ne m'en fais pas trop car Pascale a racheté 10 L d'eau de source en même temps que je faisais le plein, du moment qu'on a à boire et à manger, c'est pas trop grave si on doit sauter une douche.


On se rend donc aux jeux, grande fête populaire ici, il y a des spectateurs et spectatrices de tous les âges. Un grand terrain de jeu est au centre, utilisé sur une moitié par des enfants qui font du cheval, et sur l'autre moitié par une demi-douzaine d'Hercules en kilt, qui s'échauffent doucement, leurs épreuves vont constituer le fil rouge de la journée. Tout autour du terrain, on trouve des jeux pour les enfants, des stands des principaux sponsors (dont une firme d'avocats qui vante ses services concernant les successions et les divorces, une entreprise de tracteurs, une autre d'engins de chantier, un concessionnaire automobile...), des stands de nourriture, boissons, glaces (il refait chaud), les inévitables rangées de WC chimiques, des parcs à bestiaux, et des chapiteaux où se tiennent une vente de produits artisanaux, des concours divers (le plus beau bouquet de fleurs, le plus beau gâteau, la plus belle botte de laine de mouton, les plus beaux légumes, il y a là un radis qui doit peser 1 kg à lui tout seul !)


On s'achète un casse-croute au snack typiquement écossais, heu, hot dogs et cheese burgers 🇺🇸. Derrière nous, s'élèvent les cornemuses, tambours et grosse-caisse d'un orchestre local venu animer la journée, ils sont accueillis dans le stade sous les applaudissements. Sur l'herbe, les athlètes commencent les épreuves sérieuses avec un lancer de poids tout ce qu'il y a de plus classique, on se croirait à une simple compétition d'athlétisme. Dès cette première épreuve, un candidat surclasse les autres. Contrairement à certains, il a plus de muscles que de bedaine. On l'a vu arriver, plus tôt sur le parking, au volant d'une toute petite voiture, on avait l'impression qu'il utilisait toute la place libre du véhicule ! Appelons-le McIntosh.


En parallèle de ces épreuves, juste à côté des athlètes, se tiennent tout un tas d'animations populaires : le défilé des vieux tracteurs, avec remise de prix pour les plus beaux (il y en a un qui est carrément monté sur chenilles, comme un char d'assaut), les courses de vitesse des enfants (Quentin représente la France à la course des 11-12 ans !), les courses de chiens avec les chien-chiens de Monsieur tout le monde (c'est à dire pas du tout habitués à la course), les danses traditionnelles par les jeunes filles de tous âges au son de la cornemuse, le tir à la corde en équipes, les courses d'endurance adultes..


Côté compétition, les athlètes en kilt enchaînent avec le lancer de marteau (un boulet au bout d'une chaîne courte, lancé d'une main) puis le lancer de... Comment appeler ça... La massue ? Un boulet fiché au bout d'un long manche en bois, lancé à deux mains... Puis viennent des épreuves incroyables, à commencer par le lancer de tronc. Un tronc de 5 à 6 mètres de haut est présenté verticalement. Le lanceur le saisit entre ses bras et le cale sur son épaule. Il se baisse... Se baisse... Se baisse presque jusqu'au sol... Et d'un coup de reins, il le soulève de quelques centimètres, glisse ses mains dessous puis se redresse debout ! Incroyable, mais ce n'est pas encore fini ! Tout en gardant l'équilibre, il doit maintenant le faire pencher vers l'avant pour pouvoir marcher, puis courir, et finalement l'envoyer en l'air le plus loin possible, afin de lui faire faire la culbute, c'est à dire faire passer l'extrémité qu'il tenait par dessus l'autre ! Coupons court au suspens, seul McIntosh y arrivera, et par deux fois, sous les applaudissements de la foule. Ses concurrents auront moins de chance, il y en a même qui se sont fait des frayeurs : certains n'arrivent pas à garder l'équilibre quand ils soulèvent le tronc, il faut se sauver vite fait ! D'autres commencent à courir trop tôt, et le tronc tombe en arrière, sauve qui peut !


Dernière épreuve : la boule. Une boule en pierre de, disons... 50 centimètres de diamètre (!!!) est posée au sol. Les concurrents doivent la soulever, la hisser puis la porter sur la plus grande distance possible. Pour des raisons qui nous échappent, cette épreuve est ouverte à tous, on a donc des gens du public, des tireurs à la corde, etc qui viennent essayer. À la surprise générale, le premier quidam inconnu, certes solidement bâti, parcourt environ 50 mètres ! McIntosh échoue à faire mieux, il finit juste un peu derrière. D'autres candidats, et même parmi ceux en kilt, échouent même à simplement lever la boule ! Un autre solide gaillard arrive à dépasser le premier, d'environ 1 mère, mais il est totalement cuit à la fin, il met un long moment à se remettre... À chaque fois, la boule est ramenée à la ligne de départ par une petite brouette spéciale, dont la benne est extra plate et située à ras du sol : on fait rouler la boule dans la benne, mais même ainsi, ça n'a pas l'air d'être une partie de plaisir de pousser la brouette dans l'herbe ! Tous les candidats sont passés une fois, et on sent une certaine fatigue générale, et c'est à ce moment-là que, pour clôturer les débats, notre cher McIntosh (sûrement piqué au vif par son échec précédent), prend la boule et va la déposer au moins 10 mètres au delà du record précédent, sous les acclamations du public ! Il est temps pour nous de rentrer au camping-car, pour un repas bien mérité... On quitte donc les Highland Games parmi les derniers spectateurs, le gros de la foule est parti depuis un certain temps déjà et les stands (qui nous procuraient un peu d'ombre) plient bagages.


Arrivés au camping-car, quelques soucis avec la chaudière nous font perdre du temps, je me transforme en McGyver (pour rester dans la thématique écossaise 😆) pour avoir de l'eau chaude pour les douches. Une autre épreuve nous attend : faire des pizzas dans le four à gaz du camping-car, sans plaque, juste avec une grille. Je vous donne la recette : tendre une feuille d'aluminium sur la grille pour faire une plaque, étaler la pâte avec son papier cuisson sur l'aluminium, faire en sorte que le papier cuisson de dépasse pas de l'aluminium, car dans les fours à gaz, la flamme vient d'en dessous. Garnissez la pizza. Faites préchauffer le four, puis enfournez. Voilà, c'est pas compliqué, mais vous avez là la quintessence de la synthèse de nos réflexions, après quelques tentatives couronnés d'échecs et un début d'incendie de la feuille de cuisson sur la première pizza. Profitez des conseils c'est gratuit ! On a donc pu déguster des pizzas au jambon, au chorizo, au saumon, et aux DEUX fromages (ah ben oui, le fromage écossais)... Sur ce, on tombe de fatigue, on se couche au son des musiques traditionnelles qui animent encore la soirée à l'entrée du stade, à 200 m de là.


Comme quoi, une journée peut mal commencer, et bien finir ! Et en petit bonus : on trouve une notification sur notre téléphone portable disant que le paiement sans contact pour l'entrée aux Highland Games a été refusé... La nénette a l'entrée nous a laissé passer en disant que c'était OK, mais visiblement elle avait mal regardé son terminal de carte bleue. 45£ économisées !